Un salarié de la société TEFAL, administrateur infrastructure réseau, découvre dans une photocopieuse utilisée un document attestant l’intention de la société TEFAL de le licencier. Souhaitant en savoir plus, il s’est introduit dans le système de traitement automatisé de la société afin de consulter les serveurs sur lesquels sont stockés les fichiers de documents partagés au sein de de l’entreprise. Il a accédé à des documents faisant état de pressions que la direction de la société TEFAL exerçait sur une inspectrice du travail par l’intermédiaire de son supérieur hiérarchique. Il contacta l’inspectrice pour l’informer de la situation et lui transmit les documents (qu’il a pris soin au préalable de copier et d’enregistrer). L’inspectrice du travail a transmis ces documents à des syndicats de salariés et à des journaux. 

Poursuivi sur le fondement des infractions d’accès frauduleux et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et d’atteinte au secret des correspondances, le salarié de TEFAL a été condamné avec sursis au paiement d’une amende de 3500 euros. 

L’inspectrice du travail a été quant à elle poursuivie sur le fondement des infractions de recel de détournement de correspondance électronique et de violation du secret professionnel, et condamnée avec sursis au paiement d’une amende de 3500 euros.

L’intérêt de ce jugement du 4 décembre 2015 porte sur le refus du Tribunal de Grande Instance d’Annecy d’appliquer à l’administrateur réseau et à l’inspectrice du travail le statut protecteur de lanceur d’alerte figurant à l’article L.1132-3-3 du Code du travail :

  • Le tribunal rappelle que ce statut a été créé par la loi du 6 décembre 2013, postérieure à la commission des faits (entre octobre et décembre 2013).

 

  • Concernant l’administrateur réseau, le tribunal a considéré que si les faits avaient été commis après décembre 2013, le salarié de TEFAL aurait pu, en étant protégé par le statut de lanceur d’alerte, utiliser dans le cadre d’une procédure prudhommale le document attestant l’intention de TEFAL de le licencier, qu’il dit avoir trouvé dans la photocopieuse. Or, le tribunal a considéré que « s’agissant des documents obtenus à la suite de son intrusion dans le système, il n’en a pas eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, ils ne le concernaient pas personnellement et n’étaient pas nécessaires à l’exercice de sa défense dans un cadre prudhommal ».

 

  • Concernant l’application de ce texte à l’inspectrice du travail, le tribunal considère que « les documents diffusés aux organisations du travail par Mme P. n’ont pas été obtenus dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, ils n’ont pas été utilisés dans le strict exercice de sa défense et il n’est pas établi qu’ils constituent un crime ou un délit ».

Ce qu’il faut retenir de cet arrêt :

Le statut de lanceur d’alerte de l’article L.1132-3-3 du code du travail peut être invoqué par toute personne comme moyen de défense à la commission d’une infraction pour être protégé au sein d’une organisation de travail, d’une entreprise ou d’une administration, si et seulement si les informations ou documents qu’il diffuse le concernent personnellement, ont été obtenus dans le cadre de ses fonctions, et ont été nécessaires et utilisés dans le strict exercice de sa défense. 

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Par Me Claudia WEBER

Avocat Associé

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